Il était temps ! (1/2) Produire des montres en dix jours au lieu de dix mois

Propriétaire de grands noms de la joaillerie et de l’horlogerie comme Cartier, Baume & Mercier, Montblanc ou Van Cleef & Arpels, le Groupe Richemont est le troisième plus grand groupe au monde spécialisé dans l’industrie du luxe.

Quand j’ai pris la direction de la production de l’une de ses trois usines qui couvraient à ce moment chacune plusieurs marques de montres, la direction générale du pôle horloger nous a donné comme objectif de réduire par un rapport de 30 les délais de la commande à la livraison, de réduire les coûts de production et d’augmenter la qualité des produits. 

La fabrication d’objets aussi minutieux, technologiques et précis que la haute horlogerie implique beaucoup d’opérations, donc beaucoup de temps, d’énergie et de talents. De plus, des montres de ce niveau de prestige doivent être irréprochables. Toutefois, avec un rapport de plus de 100 entre le temps de Valeur Ajoutée – les moments où le produit subit une opération qui en augmente la valeur du point de vue du client – et le délai entre la commande et la livraison, il m’a paru nécessaire de revoir la façon dont nous étions organisés.

Comment améliorer la fabrication d’un produit de luxe ?

Photo © Cartier SA

Mes chefs comptaient sur une nouvelle approche pour diminuer drastiquement le délai de la commande à la livraison, améliorer la qualité et diminuer les coûts, sans modifier le produit!

Pour parvenir à un tel résultat, il a fallu observer en détail toutes les étapes de production afin de voir où fuyait tout ce temps, tout cet argent et d’où provenaient les défauts occasionnels.

Toutes les modifications qui mènent à l’excellence opérationnelle peuvent être résumées en répondant à deux questions :

De quoi s’agit-il ? À quoi ça sert ?

Si l’on arrive à répondre à ces deux questions, on peut adresser toutes les pratiques et les actions, ainsi que remanier l’ensemble de l’organisation et ce, quel que soit le secteur ou l’industrie.

Partout où je vais, je les pose. De quoi s’agit-il ? À quoi sert cette action ? Cette structure ? Cette règle ? Cette instruction ?

La production de montres de haute horlogerie suit un processus rigoureux mis en place depuis de nombreuses décennies. Les méthodes de fabrication et les standards de production sont en quelque sorte les garants de la qualité et du prestige.

Cependant, je me suis vite rendu compte que les atouts de cette vision classique étaient relativement faibles.

La Direction Générale m’avait fixé trois objectifs : réduire le délai de production de dix mois à dix jours, baisser les coûts marginaux de 30 % et, enfin, améliorer la qualité globale de ses produits.

Est-il possible d’augmenter la qualité en réduisant le temps de production ?

Avant de procéder à l’observation de la situation, d’analyser les enjeux et de proposer des solutions, je souhaite toujours comprendre le sens et la raison des objectifs du demandeur. Ça me permet de commencer sur de bonnes bases, d’être sur une longueur d’onde commune avec mon client et d’arriver avec des solutions réalistes et performantes.

Si mon premier objectif était de réduire le temps de production de dix mois à dix jours, c’est qu’il y avait, dans la chaîne de fabrication, des temps morts, des stocks, des actions inutiles, des déplacements évitables.

J’ai donc tout naturellement commencé par identifier, tout au long de la chaîne de production, les actions – ou inactions – qui étaient du gaspillage au sens du Lean Management.

En observant la fabrication de ces pièces d’art non pas sous l’angle des opérations, de l’optimisation de l’usage des machines ou des postes manuels, mais sous celui du produit qui évolue, on peut voir exactement ce qui se passe et ce qui apporte (ou non) de la valeur lors de la fabrication. Imaginez une caméra qui suit les composants de la montre dans tous les déplacements, opérations et manipulations, de la matière brute à la montre testée et emballée. L’observation m’a permis de comprendre les défis avant de devoir leur faire face.

Comme je le constate dans ma pratique depuis 20 ans, ce qui fait la performance opérationnelle n’est pas de mieux travailler ou plus vite, mais de travailler moins.

Comment réduire le travail dans une chaîne de production qui fonctionne bien ?

Dans un prochain article, je vous expliquerai comment j’ai pu proposer de nouvelles manières simples, rigoureuses et efficaces pour réduire le travail dans une chaîne de production qui fonctionne bien.

Likes(0)Dislikes(0)
Social tagging: > >

Comments are closed.